En général, je ne trouve pas les bilans de fin d’année très pertinents. Les miens, ceux des autres, ça me fait penser aux bêtisiers diffusés en boucle sur les chaînes de télé qui comblent les trous de leur programmation et ça m’exaspère. J’ai un mal fou avec la répétition. Sauf quand il s’agit de visionner Les Bronzés font du ski une énième fois. Là, je ne sais pas, ça passe tout seul et on a beau réitérer les mêmes blagues, ça ne me dérange pas de skier au mois de juillet. En cette fin d’année 2024, je ressens le besoin de regarder dans le rétro. Mais ça va être rapide.
J’ai réalisé en novembre mon meilleur chiffre d’affaires depuis le début de mon activité (que je situe à l’été 2021, quand j’ai ouvert ma boutique en ligne). Avec réalisme et perspective toutefois, la somme récoltée ne me permet toujours pas de me dégager un salaire mais c’est encourageant. Je me réjouis de chaque vente parce que ça me prouve qu’il y a toujours une personne, quelque part, qui aime mon travail. Je ne déploie pas des efforts monstrueux pour vendre, je n’ai jamais eu le commerce ni le marketing dans la peau. À ce jour, je ne vends que sur Internet, via ma boutique en ligne, et je compte beaucoup sur les réseaux sociaux (Instagram, Bluesky et Mastodon, j’ai abandonné Threads quelques jours avant l’envoi de cette newsletter) pour toucher les gens. Ce n’est pas un modèle idéal quand on ne croule pas sous les abonné·es (288 sur Instagram, 905 sur Bluesky et 434 sur Mastodon), encore que l’abonné ne fait pas la vente systématique. Les gens nous suivent le plus souvent pour ce qu’on a à dire et à montrer, et je me sens déjà suffisamment comme un catalogue sur pattes. J’aimerais faire plus et mieux mais je ne vous cache pas que la tâche me dépasse un tantinet.
D’autant que l’année a été compliquée. J’ai oscillé entre une traversée du désert critique et des problèmes de santé un peu pénibles. Et moi, je n’ai pas besoin de grand chose pour me démotiver. Je ne vais pas épiloguer sur ma santé, ce n’est pas intéressant, en revanche il faut parler de cette traversée du désert. Je n’ai rien su/pu produire entre mai et octobre. Et encore, si la motivation m’a un peu regagnée à l’automne, ce n’était pas foufou. C’est l’effet pervers de l’activité unique, de l’auto-entrepreneuriat, de la vie de freelance quand on officie dans un domaine créatif. Il faut l’être tout le temps. Et c’est tellement difficile.
Alors, il y a quelques semaines, j’ai postulé pour un job parfait. Un domaine dans lequel je n’ai aucune expérience, un lieu accessible à pied, dans un univers très chouette, un poste à temps partiel. J’ai décroché un entretien, il s’est bien passé et j’ai commencé à rêver d’un salaire fixe. Je n’ai pas été retenue car une personne plus expérimentée a été choisie. Normal ! Cela dit, j’ai reçu la lettre de refus la plus humaine de toute ma vie, je m’en réjouis et je constate à quel point la barre est basse. Bref, j’ai un profil à la con. Je suis une acrobate : bac littéraire, études d’histoire de l’art (sans décrocher le diplôme), multiples tentatives ratées de reprise d’études (notamment pour un BTS dans le commerce (lol) et un cursus en sciences de l’éducation), un C.V. qui cumule les expériences sans queue ni tête à base d’assistante d’éducation, assistante de formation, vendeuse de jeans, j’ai même été nounou (ma carrière la plus courte à ce jour). Jusqu’à ce que Jean-Maurice (c’est son vrai prénom), mon conseiller Pôle Emploi, pète un câble et m’envoie ouvrir mon entreprise. J’ai dit oui parce qu’on ne dit pas non à Pôle Emploi (France Travail, pardon) et c’est comme ça que je suis devenue… rédactrice web. Eh non, pas photographe, pas encore. Acrobate, vous dis-je. Un jour je mourrai d’un ulcère et il faudra blâmer le système.
Sur l’autoroute de la vie, je suis celle qui marche à pied derrière la glissière de sécurité. Je ne veux ni chouiner ni être pathétique, ce n’est pas mon délire, je fais juste un constat. Et ce que je constate aussi, c’est que j’aime être au calme chez moi, dans mon bureau. J’aime travailler sur mes projets (enfin quand ils n’abandonnent pas mon cerveau pendant de longs mois) et à mon rythme. La photographie et l’écriture sont les choses que j’aime faire le plus au monde.
Que faire en 2025 ? Si l’argent, l’oseille, les pépettes sont le nerf de la guerre, il faut donc se conformer. Je vais sans doute devoir sortir de ma tanière pour me montrer. Où et comment reste à définir, je vais passer en mode étude de cas. J’ai surtout besoin d’énergie. Et ça tombe bien, je me fais dépister pour l’apnée du sommeil au printemps, si ça se trouve c’est juste que je dors mal depuis tout ce temps.
J’en profite toutefois pour vous glisser une petite nouveauté. C’est à Saint-Jean-de-Monts, la terre de tous les possibles en matière d’architecture graphique. Ce jour-là il faisait très nuageux, il faudra donc que j’y retourne en plein soleil, à midi, pour attraper la lumière dure et voir comment elle boloss les immeubles tous plus kitschs les uns que les autres. Ce tirage est disponible à la commande sur ma boutique.
Je ne suis pas en avance mais, si vous projetez de faire un cadeau de Noël, n’hésitez pas à passer commande avant le 15 décembre pour éviter un potentiel remue-ménage avec la poste. La boutique restera ouverte après de toute façon mais je préfère vous prévenir, on ne sait jamais.
Sur ce, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année et pensez à vos créatrices et créateurs locaux pour vos cadeaux ! ✨
Félicitations pour ton meilleur chiffre d’affaire à ce jour, tu peux être fière de toi. Pour ce que ça vaut, j’ai trouvé ton bilan de fin d’année très pertinent et intéressant.
« C’est l’effet pervers de l’activité unique, de l’auto-entrepreneuriat, de la vie de freelance quand on officie dans un domaine créatif. Il faut l’être tout le temps. Et c’est tellement difficile. »
Merci tellement d’en parler. Je rêve depuis longtemps de créer ma petite entreprise créative, mais c’est précisément pour cette raison-là que j’hésite et que je recule à chaque fois.
Trois ans et demi d’activité, c‘est encore jeune, mais tu vas continuer à créer et à mettre tes œufs dans différents paniers, pour générer de la moula.
J'observe que certain·es créateurices que je suis développent au fur et à mesure des années des produits ou des services « evergreen », en parallèle de nouveautés en petites quantités, vendues plusieurs fois par an à des rendez-vous dédiés.
J’ai l’impression que cette gamme « evergreen » leur permet de générer des revenus tranquillement, au long cours.
J’imagine que cela doit leur enlever un peu de pression de devoir toujours produire de la nouveauté, et leur laisser des bulles de liberté pour gérer au mieux les phases où la créativité est en berne et/ou la vie et ses emmerdes reprennent le dessus.
Je me demande aussi s'il n'y a pas quelque chose à creuser du côté des collaborations artistiques (une gamme de quelques créations co-crées, façon « collection capsule » par exemple), et des collectifs, qui permettent non seulement d'organiser des évènements, de se soutenir en partageant de l'expérience et en offrant du soutien, mais aussi de nouer des liens et de faire connaître son travail en dehors de sa propre petite communauté.
Depuis l'an dernier, je suis de très près un petit groupe de créateurices de Strasbourg, qui se démènent comme de beaux diables et belles diablesses pour exposer leurs œuvres et leur donner de la visibilité sur le net, se réunir en formant des associations ou collectifs, se déplacer en petits groupes lors d'évènements qui leur permettent de vendre (Puces de l'illustration par exemple), etc. etc. J'avoue que du côté de Rennes, je ne perçois pas encore la même convivialité ni la même énergie, mais comme je vis plus ou moins dans une grotte, sans doute passé-je à côté de certaines choses.
Mais peu importe ce que font les autres ; l’essentiel c’est que tu continues à expérimenter et à affiner la méthode qui te soutient, toi, même si c'est probablement un constant work in progress.